Accomplissements et obstacles de la présidence sud-africaine du G20

La présidence sud-africaine du G20 pour 2024–2025 entre dans l’histoire, la nation devenant le premier pays africain à diriger le principal forum économique mondial. Avec le prochain sommet des 22 et 23 novembre marquant la dernière année de sa présidence, ce post examine ses étapes clés, ses initiatives ambitieuses sur la réduction des inégalités et le développement de l’Afrique, ainsi que les défis et limites auxquels elle est confrontée pour remodeler la gouvernance mondiale.

ARTICLE ANALITIQUE

Stephanie Mwangaza Kasereka

11/21/20255 min temps de lecture

Introduction

De 2024 à 2025, l’Afrique du Sud assume la présidence du G20, marquant la première fois qu’un pays africain dirige la présidence tournante du forum économique le plus important au monde. Sous le thème « Solidarité, Égalité, Durabilité », l’Afrique du Sud a défini un programme ambitieux visant à mettre en avant les priorités du Sud global, notamment dans les domaines de l’inégalité, du développement et de la réforme de l’architecture financière. Au-delà du symbole, cette présidence représente une tentative stratégique de recalibrer la gouvernance mondiale, en remettant en question l’orthodoxie traditionnelle du G20 centrée sur la croissance et la finance. Cependant, l’ambition seule ne garantit pas le succès. Il est crucial d’évaluer à la fois les réalisations et les limites de cette présidence à l’approche de sa conclusion.

Accomplissements de la présidence

Au cours de son mandat 2024–2025, Pretoria a atteint plusieurs jalons reflétant son agenda visant à remodeler les priorités du G20 :

  1. Inégalité mondiale : L’Afrique du Sud a placé l’inégalité au premier plan en lançant un Comité extraordinaire d’experts indépendants sur l’inégalité de richesse, présidé par le lauréat du Prix Nobel Joseph Stiglitz. C’est la première fois que le G20 commande un rapport exclusivement consacré à cette question.

  2. Agenda de développement de l’Afrique : Le pays a accueilli le tout premier G20 Development Working Group Ministerial en Afrique, au parc national Kruger, produisant la Déclaration ministérielle de Skukuza sur le développement, qui comprenait des appels à l’action sur la protection sociale et les flux financiers illicites. Le Cadre d’engagement Afrique (2026–2030) a été annoncé pour établir une coopération à long terme entre le G20 et l’Afrique.

  3. Groupes de travail stratégiques : L’Afrique du Sud a créé trois groupes de travail pour traiter des défis mondiaux transversaux :

    • Croissance économique inclusive et inégalité

    • Sécurité alimentaire

    • IA, gouvernance des données et innovation

  4. Travail et protection sociale : Le Employment Working Group a promu l’emploi des jeunes, l’égalité salariale entre les sexes, la digitalisation et la protection sociale, tandis que le Development Working Group a encouragé la mise en place de plans universels de protection sociale.

  5. Réforme de l’architecture financière : La présidence s’est concentrée sur la soutenabilité de la dette, le coût du capital, la capacité fiscale internationale et les réformes des banques multilatérales de développement pour mieux soutenir les économies en développement.

  6. Ubuntu dans la gouvernance : L’Afrique du Sud a intégré le cadre philosophique africain de l’Ubuntu, reliant les valeurs morales à la gouvernance économique mondiale et renforçant son engagement envers la solidarité, l’égalité et la durabilité.

Défis et Limites

Malgré ces jalons, la présidence fait face à des contraintes structurelles et opérationnelles :

  1. Caractère non contraignant du G20 : Les accords reposent sur le consensus, limitant les réformes sur des questions controversées telles que le rééchelonnement de la dette ou la fiscalité. Les propositions ambitieuses, y compris la création d’une commission permanente sur l’inégalité ou le coût du capital, risquent d’être diluées ou bloquées par les grandes puissances aux priorités divergentes. La durabilité des initiatives dépend également du suivi par la prochaine présidence.

  2. Complexité de la réforme financière : Bien que l’Afrique du Sud ait appelé à des réformes de l’architecture de la dette et du coût du capital, les mécanismes pour un allègement profond de la dette ou un financement de type equity restent flous. Obtenir la coopération des principaux créanciers( (étatiques et privés) est difficile, en particulier pour les nations du Sud méfiantes vis-à-vis des conditions ou de la perte de souveraineté. Les contraintes de capacité dans les pays à faible revenu limitent davantage l’adoption des propositions générées par le G20, notamment en matière de protection sociale et de réforme financière.

Analyse et Implications

La présidence sud-africaine du G20 représente une tentative stratégique de rééquilibrer les priorités traditionnelles du forum. En mettant l’accent sur l’inégalité, le développement de l’Afrique, la protection sociale et la réforme de l’architecture financière, elle remet en question l’orthodoxie traditionnelle centrée sur la croissance et la finance, tout en amplifiant les perspectives du Sud global.

Les innovations clés de cette présidence, notamment le Cadre d’engagement Afrique (2026–2030) et le Comité indépendant sur l’inégalité mondiale, pourraient devenir des héritages institutionnels durables. Leur pérennité dépend cependant de la volonté des prochaines présidences de les soutenir activement. Historiquement, les agendas orientés vers le Sud global, tels que les initiatives indonésiennes de 2022 sur la préparation aux pandémies ou les propositions indiennes de 2023 sur le financement du développement durable, ont souvent eu du mal à se traduire en réformes opérationnelles.

La tension entre leadership moral et réalité géopolitique constitue un autre défi central. L’approche centrée sur l’Ubuntu offre un contrepoids éthique à la fragmentation mondiale ; cependant, des réformes systémiques telles que le rééchelonnement de la dette ou la coopération fiscale mondiale nécessitent l’adhésion des membres les plus puissants du G20, dont les intérêts divergent souvent de ceux du Sud global.

Les facteurs domestiques influencent également la crédibilité et la capacité de la présidence. L’Afrique du Sud fait face à un chômage élevé (~33 % global ; ~60 % chez les jeunes) (Trading Economics, 2025), à une violence généralisée, à une instabilité de gouvernance, à des déficits d’infrastructure et à une stagnation économique. Ces crises limitent la capacité diplomatique et risquent de compromettre le plaidoyer mondial, tout en informant simultanément l’agenda de la présidence, reliant les urgences nationales aux priorités mondiales en matière d’inégalités, de protection sociale, d’emploi et de croissance inclusive.

Conclusion

La présidence sud-africaine du G20 est historique et ambitieuse, visant à recentrer la gouvernance mondiale sur l’inégalité, le développement de l’Afrique et la réforme financière. Son héritage à long terme dépendra de la capacité de ses propositions à survivre dans la structure non contraignante et fondée sur le consensus du G20, ainsi que de la volonté des prochaines présidences de les poursuivre. Le prochain Sommet du G20, prévu les 22 et 23 novembre 2025, sera déterminant pour savoir quelles initiatives gagneront en traction politique.

Bien que les forums internationaux comme le G20 puissent favoriser la coopération économique et politique, les nations doivent d’abord s’attaquer à leurs défis domestiques, en veillant à ce que l’engagement mondial complète, et non remplace, la recherche de stabilité, de bien-être social et de croissance inclusive au niveau national.

Références

  1. African National Congress. (2024). Gouvernement d’Afrique du Sud : Déclarations et briefings. https://www.gov.za

  2. BNP Paribas Economic Research. (3 mai 2024). Afrique du Sud : Un long et difficile parcours. BNP Paribas. https://economic-research.bnpparibas.com/html/en-US/South-Africa-long-hard-road-5/3/2024,49573

  3. Trading Economics. (2025, 12 août). Taux de chômage en Afrique du Sud au plus haut en 1 an. https://tradingeconomics.com/south‑africa/unemployment‑rate/news/477092

  4. BNP Paribas Economic Research. (15 octobre 2024). Afrique du Sud à la croisée des chemins. BNP Paribas. https://economic-research.bnpparibas.com/html/en-US/South-Africa-crossroads-10/15/2024,49947

  5. G20. (2025). Documents de la présidence, communiqués des groupes de travail et communiqués de presse. Secrétariat du G20. https://www.g20.org

  6. Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). (2025). Études économiques : Afrique du Sud 2025. Éditions OCDE. https://www.oecd.org/en/publications/oecd-economic-surveys-south-africa-2025_7e6a132a-en

  7. Statista Research Department. (2024). Indicateurs socioéconomiques : Rapport Afrique du Sud 2024. Statista. https://www.statista.com/study/174049/socioeconomic-indicators-south-africa-report/

  8. Banque mondiale. (2023). Mise à jour économique de l’Afrique du Sud : Améliorer les perspectives économiques en réduisant la criminalité. Publications de la Banque mondiale. https://www.worldbank.org/en/country/southafrica/publication/raising-south-africa-s-afe-1123-economic-prospects-by-curbing-crime

  9. Banque mondiale. (2024). Profil national de risque climatique : Afrique du Sud. Climate Change Knowledge Portal. https://climateknowledgeportal.worldbank.org/sites/default/files/country-profiles/15932-WB_South%20Africa%20Country%20Profile-WEB.pdf